Présence de Bacon de la Chevalerie en Haïti |
LETTRE DE
JEAN-JACQUES BACON
DE LA CHEVALERIE
À
JEAN-BAPTISTE WILLERMOZ
JEAN-JACQUES BACON
DE LA CHEVALERIE
À
JEAN-BAPTISTE WILLERMOZ
1775
Je ne sais, Monsieur, ce que l'on a pu vous répéter d'alarmant pour l'Ordre des Elus Coëns et particulièrement pour ma gloire - il est vrai, j'ai parlé de la science de Martinès et de sa friponnerie, mais des secrets de l'Ordre je n'ai rien révélé, il s'en trouve beaucoup plus d'écrit dans l'Encyclopédie à l'article Rose-Croix que je n'en ai dit aux personnes à qui j'en ai parlé.
Je ne suis ni enthousiaste, ni parjure, j'ai été effrontément trompé par un fripon, insulté par d'honnêtes gens, sur la foi de ce même fripon, connu d'eux pour tel : j'ai voué mon indignation au premier, il l'a emportée au tombeau, et ma pitié aux derniers.
Il me reste un profond mépris. En outre, pour tout ce qui était illusoire dans ce qui m'a été montré quoique je conserve une pente à croire qu'en effet il existe quelque réalité dans la science dont ce coquin de Martinès s'était établi professeur et cette entreprise ne rendait qu'à l'orgueil humain.
Quant aux serments qu'on a exigés de moi sans connaissance de cause, j'ai été forcé de les apprécier par le mépris que Martinès en a fait lui-même par celui que vous et les autres R. + en avez fait.
Mais je n'ai point à me reprocher d'y avoir manqué. J'en ai cent fois moins dit que Martinès en une seule conversation n'en a dit à des profanes, à des femmes, entre autres à Mme la Comtesse de Lusignan.
J'ai pu parler des invocations, mais n'ai prononcé ni aucun mot de puissance, ni aucun de nos formes. Je n'ai fait aucun usage de l'autorité qui m'a été confiée, que je conserve parce que nulle créature humaine peut me la ravir ; que des hommes aveugles et livrés à un instant d'inconséquences ont crû trop légèrement, que j'avais perdue. J'ai souffert sans aigreur et sans murmure les effets de leur faiblesse, mais je ne souffrirais pas de même que l'on me taxât de manquer à mes engagements. Ceci exige un long commentaire. Je ne réponds à votre lettre que sommairement, mais quand vous le voudrez, nous donnerons toute l'extension à ma réponse dont elle est susceptible.
J'aime, je reconnais, et je respecte la franchise avec laquelle vous m'avez parlé, mais je plains l'aveuglement qui vous a rendu ainsi que les autres injuste envers moi.
Je vous embrasse mon cher Willermoz, de tout mon cœur.