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1852 - Tyr en Phénicie et le roi Hiram 1er


(Cadmos sur une monnaie de Tyr)


HIRAM DANS...

CHALDEE, ASSYRIE, MEDIE, BABYLONIE, MESOPOTAMIE, PHENICIE, PALMYRE


Par Ferdinand Hoefer

FIRMIN DIDOT FRERES EDITEURS, PARIS 1852

(extraits)


Troisième Période.—Splendeur de Tyr.

Depuis son agrandissement par les colons sidoniens en 1209 avant J.-C., la ville de Tyr devint le principal théâtre des événements du pays. A dater de ce moment les livres de l'Ancien Testament passent les Sidoniens presque entièrement sous silence, et ne parlent plus que des richesses des Tyriens. C'est la substitution d'une puissance à une autre. Un fait important, qui marque l'état prospère de Tyr, c'est la fondation des antiques colonies de Gadès et d'Utique, vers 1105 à 1100 avant J.-C. A ce fait se rattachent de grandes entreprises navales, comme la conquête de Tartessus ou de laTurditaine, ainsi que la colonisation des côtes septentrionales et occidentales de l'Afrique.

La constitution primitive de Tyr paraît avoir été d'abord démocratique; puis elle devint oligarchique. A Gadès il y avait deux suffètes, comme dans la métropole. Ces suffètes, qui étaient souvent en guerre avec les Israélites, recevaient le nom de princes ou de chefs. Enfin, depuis' quAbibaal, père de Hiram Ier, s'était emparé du pouvoir souverain, Tyr exerça une sorte d'hégémonie sur toute la Phénicie. Le chef souverain prit le titre de « roi de Tyr, de Sidon et des Phéniciens ».

Homère, chose surprenante, ne met en scène que les Sidoniens, à une époque où les Tyriens devaient déjà occuper le premier rang. C'est que du temps de ce poète la puissance des Tyriens était encore trop récente, et la renommée des Sidoniens n'était pas encore effacée chez les autres nations et notamment chez les Grecs.


Hiram Ier ( de 980 à 947 avant J.-C. ).

L'histoire de la Phénicie ne commence à se débrouiller qu'au règne de Hiram.

Les documents les plus précieux pour cette partie de l'histoire se trouvent dans les fragments de Ménandre et de Dius conservés par Josèphe. En voici la traduction.

Fragments de Ménandre.

« Après la mort d'Abibal, son fils Hiram prit les rênes du gouvernement. Il vécut cinquante-trois ans, et en régna trente-quatre. Il construisit la digue d'Eurichorus, et érigea la colonne d'or qu'on voit dans le temple de Jupiter. Il fit couper les bois de cèdres dans le mont Liban pour couvrir les temples. Il fit abattre les anciens temples, et construisit ceux d'Hercule et d'Astarté. Il célébra le premier la résurrection d'Hercule dans le mois Péritius, lorsqu'il marcha contre les Citiens, qui avaient refusé à payer le tribut et qu'il soumit de nouveau à son pouvoir. Vers le même temps, il y avait un jeune homme, fils d'Abdémon, qui parvint à résoudre tous les problèmes que lui proposa Salomon, roi de Jérusalem. »

Fragment de Dius.

« Hiram succéda au roi Abibal. Il fit construire la chaussée des quartiers orientaux de la ville, agrandit la ville proprement dite, y fit entrer le temple de Jupiter Olympien, qui était isolé dans une île, en comblant l'espace intermédiaire, et l'orna d'offrandes d'or.

Il monta sur le Liban, et fit couper du bois pour la construction des temples. On raconte que Salomon, tyran de Jérusalem envoya des énigmes à Hiram, et que celui-ci, n'ayant pu les deviner, fut condamné à payer une somme d'argent considérable. Puis, un Tyrien, Abdemon, les devina, et celui-ci proposa à son tour des énigmes à Salomon ; ce dernier n'ayant pu les résoudre, dut payer une amende à Hiram. »

A ces documents, conservés par Josèphe, il faut joindre plusieurs passages de la Bible où il est question des relations politiques et commerciales des Israélites avec les Phéniciens, et quelques fragments de Chaetus, de Théophile, d'Eupolème, cités par les Pères de l'Eglise et particulièrement par Eusèbe.

Nous ne savons rien d'Abibal, dont le nom se lit sur une gemme du cabinet des médailles de Florence. Hiram lui succéda, à l'âge de vingt ans. Ceci eut lieu, d'après des recherches chronologiques exactes, en 980 avant J.-C, huit années avant la mort du roi David. Nous n'avons pas de détails précis sur les constructions qu'Hiram fit exécuter à Tyr; nous savons seulement qu'elles furent faites à une époque où les Israélites avaient soumis à leur domination tous les peuples du voisinage, à l'exception des Phéniciens. Le renvoi de la fête de la résurrection de Melkarth ( Hercule ) au mois péritius prouve que les rois de Tyr étaient en même temps revêtus de l'autorité spirituelle. Cette fête se célébrait vers l'équinoxe du printemps, et le mois péritius commençait vers le 16 février. Les Cittiens ( habitants de l'Ile de Chypre ) étaient déjà tributaires de Tyr avant l'avènement d'Hiram, ainsi que cela résulte indirectement du passage de Ménandre ci-dessus cité. Eupolème commet une erreur évidente quand il dit que le roi David avait subjugué la Phénicie. Le roi d'Israël fut, pendant toute la durée de son règne, l'ami et l'allié de Hiram, comme l'atteste l'Ancien Testament, qui rapporte tous les exploits de David. Hiram envoya des ouvriers phéniciens à Jérusalem pour construire à David un palais.

Après la mort de David, Hiram envoya une ambassade à Jérusalem pour vivre avec Salomon sur le même pied d'amitié ( I Reg., V, 15 ). On sait qu'il aida puissamment ce dernier dans la construction du magnifique temple de Jérusalem. Au terme d'un traité, dont une copie était, selon Josèphe, conservée dans les archives de Tyr, le roi de Phénicie s'était engagé à fournir tous les charpentiers et maçons, ainsi que les matériaux ( bois de cèdre et de cyprès) nécessaires à cette construction, moyennant vingt mille kors de froment et vingt mille kors d'huile. Au rapport de Chaetus et de Ménandre de Pergame, Salomon avait épousé une fille d'Hiram. La Bible parle du mariage de Salomon avec la fille d'un roi d'Egypte ( I Reg., III, 1 ), ainsi que de son harem, où if y avait aussi plusieurs Sidoniennes, qui pratiquaient librement le culte d'Astarté.

D'après quelques traditions hébraïques et grecques, Hiram avait fait bâtir à Tyr un temple pareil à celui de Jérusalem, et il y avait introduit des cérémonies juives; enfin la colonne du temple d'Hercule qu'avait admirée Hérodote venait de Salomon, qui aurait voulu par là témoigner sa reconnaissance au roi des Israélites pour l'érection du temple. Des légendes fort anciennes attribuent au roi de Tyr une longévité fabuleuse.

Josèphe fournit le fil d'Ariane dans le labyrinthe de la chronologie phénicienne. « La construction du temple (de Salomon) fut commencée dans la onzième année (dans un autre passage, C. Àpion:, 1,18, on lit dans la douzième année) du règne d'Hiram. Depuis la fondation de Tyr jusqu'à la construction du temple, il s'était écoulé deux cent quarante ans. Et depuis la construction de ce temple jusqu'à la fondation de Carthage il s'est passé cent quarante-trois ans »