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GONDEAU Le Vénéralat selon le 20ème degré de l'Ecossisme



LE VENERALAT SELON LE 20ème DEGRE DE L'ECOSSISME

Diogène Gondeau


Article paru dans le n°175 de la revue "Le Symbolisme" 
(juillet 1933)


Après s'être élevé jusqu'aux sublimes hauteurs de la Jérusalem céleste, il est bon de redescendre modestement sur terre, en une humble Loge du 3ème degré, pour en assumer la direction. Le Grand Pontife théorique (19ème) obtient son avancement par le fait qu'il s'exerce à pontifier en tant que Vénérable Grand-Maître de Loge ou Maître ad vitam. 

Le 20ème degré de la hiérarchie écossaise se met ainsi au service de la Maçonnerie bleue, ce qui en fait un haut grade fort bien compris.

Son équivalent anglais semble être la dignité de Past Master, dont demeurent revêtus tous les Maîtres qui ont été installés dans la chaire de Salomon pour diriger les travaux de leur Loge. Cette installation s'effectue selon des rites particuliers, donnant lieu à la communication de signes de reconnaissance propres aux Maîtres admisà présider leur atelier. Le Vénéralat confère ainsi le semblant d'un grade, qui ne saurait être assimilé aux autres puisque, en dépit des « mystères » réservés à ses titulaires, il ne donne pas lieu, du moins en Angleterre, à des travaux entre Past Masters réunis rituéliquement.

Les Maîtres ad vitam (20ème degré) travaillent par contre à leur manière, en une Loge tendue de bleu et de jaune, où le nombre neuf est particulièrement en honneur.

Le récipiendaire, qui représente Zorobabel, est interrogé par Cyrus sur ses connaissances en Maçonnerie, puis chargé de rebâtir le temple de Jérusalem détruit par Nabuchodonosor, après avoir duré 470 ans, 6 mois et 10 jours, chiffres à retenir par l' initié au 20ème degré voulant être reconnu comme tel.

Prenant la route du Sud, Zorobabel accomplit neuf voyages circulaires, puis approche du trône de Cyrus par neuf pas en équerre, en foulant les glaives semés sur le sol. Pour prêter ensuite son obligation, il s'expose à la chaleur d'un réchaud. On lui apprend à cette occasion que l' acier et le feu sont pour lui deux lumières nouvelles.

Le récipiendaire peut se demander si, en marchant sur les armes, il ne renonce pas à tout recours à la violence et si la chaleur qui le pénètre n'a pas pour objet de l'éclairer sur l'irrésistible puissance de l' amour ; mais le catéchiste du 20ème degré n'a su voir dans le piétinement de l' acier qu'une exhortation à punir les meurtriers d' Hiram et il ne s'est pas montré plus génial en justifiant le brasier par « la mémoire de ce que nos premiers pères ont été purifiés par le feu ».

A l' acacia traditionnel, le 20ème degré substitue une branche de grenat (sic) pour des raisons inexpliquées, peut-être en souvenir des pommes de grenade qui ornent les Colonnes J:. et B :.. En ce cas, un végétal produisant des fruits aurait été préféré à l'arbuste désertique, dont la verdure persistante réjouit l'œil du voyageur, sans calmer ni sa faim ni sa soif. Or, le Vénérable Grand-Maître doit offrir mieux qu'un stérile réconfort, en donnant à espérer en un meilleur avenir : il doit nourrir et désaltérer ceux qui ont faim et soif de justice et de vérité.

Si les ateliers bleus se disent Loges de Saint-Jean, c'est du fait que, lors des croisades, les Chevaliers Parfaits Maçons et les Princes communiquèrent leurs mystères aux Chevaliers de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem et qu'ils célébraient leur fête le jour de Saint-Jean, attendu qu'ils étaient placés sous la même loi.

Cette explication se rattache à la légende favorite de l'Ecossisme qui se résume comme suit :

Le second Temple, œuvre des Princes-Maçons consacrés par Cyrus, est détruit par Pompée et définitivement rasé par Hérode. Mais le Tétrarque se repent, rappelle les Maçons dispersés et fait reconstruire le Temple, contre lequel s'acharnera Titus.

Cette fois, les constructeurs fuient Jérusalem, se convertissent au Christianisme et renoncent à toute entreprise en faveur des Juifs. Rome les attire, puis ils se répandent dans l'Empire, jusque dans le Nord de la Grande-Bretagne, où ils bâtissent une ville nommée Kilwining, devenue célèbre par sa Loge datant des Romains et qui existe encore.

Vingt-sept mille successeurs de ces premiers initiés d'Ecosse prirent part aux Croisades, afin d'aider les Princes Chevaliers Chrétiens à conquérir Jérusalem, leur patrie d'origine. Ils se montrèrent si braves que les Chevaliers de Saint-Jean se firent initier à la Maçonnerie, sous l' emblème de la Rose-Croix et du Pélican.

La guerre sainte ayant pris fin, les Maçons regagnèrent leurs foyers, propageant très largement la Maçonnerie, qui se pratiqua en Ecosse avec le maximum de pureté.

Un noble Ecossais résidant à Bordeaux fonda dans cette ville une Loge de Perfection en 1744 et c'est ainsi que l'Ecossisme prit racine en France.

Ce beau récit s' inspire du discours rédigé en 1737 par le chevalier Michel Ramsay, l'Ecossais imaginatif qui, le premier vanta la Maçonnerie de son pays, en la déclarant plus ancienne et plus pure en ses traditions que la Maçonnerie anglaise, seule alors pratiquée en France. Du coup, les réformateurs français de la Maçonnerie prétendirent revenir à l' Ecossisme, qu'ils créèrent de toutes pièces, en lui attribuant tous les perfectionnements maçonniques suggérés par les critiques dont le fonctionnement des Loges était l'objet. Il est à remarquer que la légende des Templiers réfugiés en Ecosse ne rentre pas dans la fiction pseudo-historique du 20ème degré, lequel s'affirme ainsi antérieur aux grades de templiers, mais semble contemporain du grade de Sublime Prince de Royal Secret, couronnement de l'ancien Ecossisme en 25 grades.

Il est à regretter que l'instruction du grade de Vénérable Grand-Maître de Loge soit muette quant à l' ésotérisme des trois premiers degrés ; en revanche, elle porte à douze les signes de reconnaissance, dont l'énumération est la suivante :

1° Signe de terre ou d'Apprenti ; 2° d' eau ou de Compagnon ; 4° de feu ; 5° d' air ; 6° de perception ou de point de vue ; 7° de soleil ; 8° de l'étonnement ; 9° de l'honneur ; 10° de puanteur ou forte odeur ; 11° d'admiration ; et 12° de consternation.

Ce duodénaire a pu devenir éloquent pour qui connaissait certain cube d'agathe posé par Salomon en guise de première pierre du Temple de Jérusalem. Le roi prit soin de poser avant le lever du soleil cette précieuse pierre portant le nom du Grand Architecte de l'Univers.

Notons que le ciment salomonique fut composé de farine de froment, de lait, de vin et d' huile. Cette singulière composition enseigne que le Grand Architecte employa douceur, bonté, sagesse et puissance pour cimenter le monde. N'oublions pas non plus qu'un délicieux parfum se répandit aux environs de Jérusalem lors de la consécration du Temple et qu' Hiram mourut âgé de 81 ans, nombre qui fait allusion aux trois triplicités ternaires de l'alliance que l'Eternel fit avec les hommes. 3 x 3=9 x 3=27 x 3=81.

Tout cela est fort beau, mais les réels mystères du Vénéralat sont moins abracadabrants. Ils s'appliquent à la connaissance approfondie des trois premiers grades, qui renferment tout l' ésotérisme maçonnique. Le Maître en qui Hiram est spirituellement ressuscité incarne la tradition complète. Mais y eut-il résurrection effective en la personne du Maître à qui doit être confié le premier maillet de la Loge ? Cette question devrait se poser au grade initiant au Vénéralat, grade qui ne serait aucunement superflu en tant que complément de la Maîtrise. Dans la pratique, il est vrai, le formalisme prendrait le dessus et ceux qui profiteraient de l'enseignement symbolique seraient précisément les plus aptes à pouvoir s'en passer. Sachons approfondir les rites de notre initiation ternaire fondamentale et nous pourrons nous dispenser de mises en scènes ultérieures. Cependant, ne dédaignons rien de ce qui existe, instruisons-nous partout, mais éclairons les symboles supplémentaires à la vraie Lumière qui nous est montrée dès notre Apprentissage.