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DELAULNAYE Recherches sur les nombres usités en Maçonnerie




Recherches sur les nombres 
usités en Maçonnerie


Extrait du "Tuileur" de Delaulnaye


1836


Préliminaires

L'Initiation chez les anciens, à cette époque où les peuples étaient non seulement dans l'enfance des sciences et des arts, mais encore dans l'ignorance d'une morale raisonnée, l’initiation, donc, s'enrichissait de toutes les découvertes que l'étude, la méditation, le génie ou l'esprit des prêtres et des initiés, les seuls hommes instruits, leur permettait de révéler dans l'intérêt commun.

L'initiation en passant d'une nation dans une autre, s'enrichissait encore des fruits que donnait cette migration. Aux choses que les doctes recueillaient de leurs prédécesseurs, les nouveaux prêtres et les initiés ajoutaient les produits de leur propre conception.

Si toutes les richesses scientifiques et morales qu'avaient révélées les différentes initiations qui précédèrent l’établissement de la Franche-Maçonnerie eussent été réunies avec soin et transmises aux fondateurs de notre illustre association, nul doute qu'il ne restât aucune découverte à faire dans les sciences et dans les arts, aucune lumière de l'esprit à acquérir, aucun sentiment d'affection à rappeler. Jusqu'à Numa, l'histoire des peuples, leurs sciences, leurs institutions, leurs sentiments, tout était incomplet ou de tradition. Ainsi, déshérités d'une succession immense, nous sommes obligés, profanes et maçons, d'étudier l'histoire publique ou secrète des anciens dans ses triples rapports de la politique, de la religion et de la morale, moins encore dans des annales fausses où incomplètes, que sur des monuments que le temps a respectés, et l'on sait comment le temps respecte les créations humaines.

La Franche-Maçonnerie comme l'initiation ancienne, renferme toutes les sciences, et ses grades, du premier au troisième, forment pour l'homme studieux et méditatif, une véritable Encyclopédie des sciences.

Le sujet de cette dissertation serait la science des nombres, en si grande vénération chez les anciens, et, parmi les modernes, avant le dix-huitième siècle. Nous ne vous la présenterons pas pour absorber votre esprit dans des combinaisons qui n'intéresseraient plus généralement, mais pour vous rappeler des souvenirs de curiosité sur les nombres trois, cinq, sept, en honneur dans nos loges.

Les plus célèbres philosophes de l'antiquité, et entre autres Pythagore prétendaient qu'il y avait une vertu secrète, une action singulière et toute admirable dans les nombres. Les plus célèbres docteurs de l'église eux-mêmes, Saint-Jérôme, Saint-Augustin, Saint-Ambroise, Saint-Athanase, Origène, Rabanus, etc., partageaient l'opinion des illustres Païens. Saint-Hilaire, commentateur des psaumes, dit que les Septante ont mis les psaumes en ordre par l'efficacité des nombres, et le savant Rabanus a composé un livre sur les vertus qui leur sont attribuées.

Severin Boèce avance : « que tout ce que la nature a fait d'abord, semble avoir été formé par le moyen des nombres ; car ça été le principal modèle dans l'esprit du Créateur ; de là est venue la quantité des éléments ; de là la révolution des temps ; c'est de là que subsiste le mouvement des astres, le changement du ciel, et l'état des nombres par leur liaison ».

Pythagore dit que tout est composé du nombre, et que le nombre distribue les vertus à toutes choses.

Paracelse assure que le nombre subsiste toujours et se trouve en tout ; l'un dans la voix ; l'autre dans ses proportions ; l'un dans l'âme et la raison, l'autre dans les choses divines.

Themistius, Boëce, Averroës de Babylone, et avec eux Platon, louent si fort les nombres qu'ils croyent que sans eux on ne peut être bon philosophe.

Les nombres simples signifient les choses divines, les nombres dixièmes, les choses célestes ; les nombres centièmes, les choses terrestres ; les nombres millièmes, les choses des siècles à venir.

Telle est l’opinion qu’Agrippa, conseiller et historiographe de l'Empereur Charles V, a développée dans sa Philosophie occulte.

Les anciens avaient surtout une grande prédilection pour les nombres impairs ; ils les croyaient chéris des Dieux, tandis qu'ils regardaient, et particulièrement les Romains, les nombres pairs comme funestes ou de mauvais augure. L'art de la divination les repoussait ; la médecine elle-même leur attribuait une fatale influence.

Nous ne dirons qu'un mot de l’unité qui n'ayant point de parties n'est point un nombre. L’unité est le principe et la source des nombres qui ne sont qu'une répétition de l’unité. Elle est une, toujours la même, sans aucun changement ; elle a tout en soi ; multipliée, elle ne produit rien, et elle est indivisible parce qu'elle est sans parties. Attribut de la divinité, elle exprime l'idée du grand tout. Il n'y a qu'un Dieu, il n'y a qu'un Soleil.

Les prêtres, les initiés et tous les philosophes de l’Orient crurent découvrir dans la science des nombres plus profonds décrets de la nature ; mais c'est à quelques-uns des illustres modernes qu'il était réservé d'en faire pour l'esprit un véhicule puissant qui l'élevât à la hauteur où ces grands génies semblent entrer dans le conseil de la divinité ; il suffit de nommer Newton.


Du nombre Trois

Le nombre Trois qui, suivant Pythagore, représente l'harmonie parfaite, figure au premier rang dans le monde physique comme dans le monde moral : omne trinum perfectum. Il est parfait par la longueur, par la largeur et par la profondeur, après lesquelles il n'y a plus d'autre dimension. C'est ce nombre qui offre à l'érudit le plus de rapprochements ingénieux. On est étonné des diverses propriétés que lui ont attribuées la raison, l’imagination et le sentiment.

Nous remarquerons d'abord que la philosophie occulte ou métaphysique compte trois mondes : le monde élémentaire, le monde céleste, le monde intellectuel ; qu’il a dans l'univers l’espace, la matière, le mouvement ; que les choses corporelles ou spirituelles sont composées d'un principe, d'un milieu, d'une fin ; que l'étendue ou la mesure du temps est renfermée dans le passé, le présent et l’avenir ; qu'on admet trois puissances intellectuelles dans l'homme, la mémoire, l’entendement et la volonté ; que les attributs du moteur suprême de la nature, sont l’infinité, la toute-puissance, l’éternité. La physique moderne qui considère l'eau comme un air condensé, n'admet plus que trois éléments : la terre, le feu et l’air. On observe dans les corps, la forme, la densité, la couleur. Les couleurs en ont trois primitives : le jaune, le rouge, le bleu. Le chimiste trouve dans les corps trois principes palpables : la terre, l’eau et le sel. La géométrie mesure l'étendue par le point, la ligne, la surface. Dans la géométrie est comprise la trigonométrie ou science du triangle. La mécanique démontre que la force est le résultat du produit de la masse multipliée par l’espace, divisée par le temps. Le médecin observe dans l'homme la conformation des solides, le mouvement des fluides, le jeu des passions. Le naturaliste classe les ouvrages de la nature en trois règnes : les végétaux, les minéraux, les animaux. Les géographes prétendent que les anciens ne connaissaient que l’Europe, l’Asie et l’Afrique. Dans les beaux-arts, il y a trois arts principaux, la peinture, la sculpture et l’architecture. Le peintre s'efforce de réunir trois qualités essentielles : le dessin, l’expression, le coloris. L'architecte se propose trois objets : la distribution, la proportion, la solidité. On sait que la base, le fût et le chapiteau composent la colonne dont les ordres étaient, suivant les Grecs, le dorigue, l’ionique et le Corinthien. Le musicien distingue le son aigu, le son grave et le médium. Il y a en musique trois clefs : de sol, d'ut et de fa. L'art oratoire a trois parties principales, l’invention, l’élocution et la distribution. L'auteur dramatique se renferme, pour la composition de son poême, dans la règle de la triple unité : d'action, de tempe et de lieu. La Mythologie confiait le fil de nos jours aux trois Parques, Clotho, Lachesis et Atropos, et sans doute notre bonheur, aux trois Grâces Aglaé, Thalie et Euphrosine. Elle divisait le ciel en trois divinités supérieures : Jupiter, roi du ciel ; Neptune, maître de l'océan ; Pluton, tyran des enfers. A Argos, Jupiter avait trois yeux pour observer en même temps, le ciel, la terre et les enfers. L'enfer avait ses trois juges, Minos, Eaque et Rhadamante. Cerbère, gardien des enfers, avait trois têtes ; les furies étaient au nombre de trois, savoir : Alecton, Mégère, Tisiphone. La triple Héatre ou Diane aux trois visages, conduisait le char de la Lune, présidait aux sorcelleries, poursuivait les bêtes fauves. Il y avait trois gorgones : Méduse, Sthéno, Euriale, ainsi que trois harpies, trois Hespérides, trois sibylles. On compte aussi trois âges : l'âge d’or, l'âge d'airain, l’âge de fer. Nous ne devons pas omettre non plus le trépied antique, ni le fait historique du combat des trois Horaces contre les trois Curiaces.

S'il était permis de faire quelques rapprochements entre les erreurs des Païens et les vérités de la religion catholique ou chrétienne, nous ajouterions à cette curieuse nomenclature, la Trinité du Père, du Fils et du St-Esprit ; les trois rois mages, Baltasar, Gaspar et Melchior qui vinrent adorer l'Enfant Jésus ; les trois poissons et les cinq pains avec lesquels Jésus devenu homme, nourrit cinq mille personnes ; les trois clous qui attachèrent Jésus-Christ à la croix ; les trois jours qu'il passa dans le sépulcre ; les trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité, et même le triple reniement de Saint-Pierre.

Caton le censeur, se repentait de trois choses : d'avoir passé un jour sans rien apprendre, d'avoir confié son secret à sa femme et d'avoir voyagé par eau pouvant voyager par terre. Dans la guerre entre César et Pompée, César, vainqueur de Pharnace, fils de Mithridate, qui avait voulu rester neutre, pour exprimer la rapidité de sa victoire écrivit ces seuls mots : veni, vidi, vici. En politique, la grandeur, la prospérité et la durée des états dépendent de la justice des souverains, de la sagesse des lois, de la pureté des mœurs. Nous avons vu en France, en moins de trente ans, trois consuls, trois pouvoirs : le roi, la chambre des pairs, la chambre des députés, où se trouvent trois divisions d'opinions, le côté droit, le centre, le côté gauche.

En Mac.°. le Grand Architecte de l'univers a pour attribut la sagesse, la force, la beauté, et l’image de sa perfection est représentée par le triangle simple ou triple.

Nous ne pouvons mieux terminer ces citations sur le nombre trois que par les vers qu'il a inspiré au F.°. Voltaire :

Je vis d'abord notre portier Cerbère,
De trois gosiers aboyant à la fois ;
Il me fallut traverser trois rivières ;
On me montra les trois sœurs filandières
Qui font le sort des peuples et des rois.
Je fus conduit vers trois juges sournois
Qu'accompagnaient trois gaupes effroyables,
Filles d'enfer et geôlières des diables ;
Car, dieu merci, tout se faisait par trois. 


Du nombre Cinq

Le nombre cinq offre bien moins de combinaisons dans la science cabalistique que le nombre Sept, et surtout le nombre Trois dont il est l'intermédiaire.

Cinq est composé du premier impair qqi représente le mâle et du premier pair qui représente la femelle. C'est, ce qui l'a fait nommer par les Pythagoriens le nombre du mariage ; à ce titre il était consacré à Junon.

Suivant la Mythologie Indienne, cinq Eléments furent engendrés par le créateur suprême. L'air fut tiré du néant ; l'air produisit le vent ; le feu jaillit du choc du vent et de l'air. Le feu en se retirant laissa une humidité qui est l'origine de l'eau ; la terre est le résultat de l'union de ces puissances. Dans le monde céleste, il y a cinq étoiles ardentes : Saturne, Jupiter, Mare, Vénus, Mercure. Dans le monde élémentaire cinq choses sont corruptibles : l’eau, l’air, le feu, la terre, les mixtes. Thalès de Milet partagea la sphère en cinq cercles parallèles. Pythagore admettait cinq éléments et soumettait ses disciples à l'observation du silence pendant cinq ans. Le Coran prescrit aux vrais Musulmans de faire la prière cinq fois par jour ; suivant le Veda, livre sacré des Brames, on fait à la naissance d'un enfant, des prières aux cinq vents qui peuvent sortir par les cinq ouvertures du corps humain ; le plus ancien livre chinois a pour titre, les cinq Kings.

Chez les Grecs et chez les Romains, les fêtes religieuses connues sous le nom de Lustrations avaient lieu tous les cinq ans. De cette coutume et de celle que les Romains avaient de payer le tribut imposé par les Censeurs, vient le mot lustre ; compter par lustre, c'est compter par cinq. Les Juifs reconnaissaient Moïse pour l'auteur des cinq premiers Livres de l'Ancien Testament ou Pentateuque. Les Grecs et les Romains les ont désignés suivant la matière de chacun d'eux. Genèse, ou histoire de la création du monde ; Exodes, ou sortie d'Egypte ; Lévitique, ou lois et cérémonies religieuses ; Nombres, ou dénombrement des Juifs ; Deutéronome, ou seconde loi. Dans les arts, celui de la musique a cinq lignes ou portées de musique ; l'art de l'Architecture a cinq ordres : le Dorique, l’Ionique, le Corinthien, le Toscan et le Composite. Il y a cinq phases dans la vie de l'homme ; l'homme a cinq sens : la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat et le goût. Il y a cinq doigts à chaque main et à chaque pied. La langue française a cinq Voyelles. Pendant plusieurs années de la révolution, le pouvoir exécutif a été confié à cinq Directeurs. Notre législation, sous le gouvernement impérial, a été divisée en cinq codes ; mais c'est en maçonnerie que le nombre cinq a, relativement, de plus nombreuses applications.


Du nombre Sept

Le nombre Sept était consacré dans l'Inde de temps immémorial lorsqu'il fut adopté par les Grecs. Révéré comme divin par ces deux peuples, il passait pour être aussi mystérieux que le nombre Trois. Il est composé de un et de six, de deux et de cinq ou de trois et de quatre ; il est lié par l’unité et un double nombre ternaire. Les Pythagoriciens l'appellent la voiture de la vie humaine. La médecine attribue à ce nombre une foule de propriétés.

Nous retrouvons le nombre sept, dans les sept pilotes d'Osiris, dans les sept génies qui accompagnaient Mithra, Dieu des Perses ; dans les sept planètes, dans les sept Pléiades, dans les sept phases de la lune, dans les sept tuyaux de la flûte du Dieu Pan, dans les sept tons de la musique, dans les sept rayons primitifs et inaltérables de la lumière, démontrés par Newton, dans les sept voyelles de la langue grecque, dans les sept fils et les sept filles de Niobé, femme d'Amphion, lequel bâtit Thèbes aux sons de la harpe ; dans les sept chefs devant Thèbes, dans les sept villes qui se disputèrent l'honneur d'avoir vu naître Homère, dans les sept sages de la Grèce, etc. Le nombre sept est souvent rappelé dans l'Apocalypse dont on connaît les sept bêtes. Sept paires d'animaux furent renfermées dans l'arche ; l'arche ne s'arrêta qu'après sept mois d'inondation, la colombe ne revint portant le rameau qu'après sept jours d'absence. Esaü est salué sept fois par Jacob ; celui-ci servit sept ans pour avoir Lea en mariage, et sept autres années pour avoir Rachel. Le peuple d’Israël pleura sept jours la mort de ce patriarche. Joseph annonce sept années d'abondance et sept de stérilité ; le chandelier placé devant l'arche avait sept branches. Josué fit sept fois le tour de Jéricho, et les prêtres sonnèrent sept fois de la trompette. Le Très-Haut tient dans l'une de ses mains sept étoiles ; l'Ange ne descend qu'au bruit des sept trompettes. L'Egypte fut frappée par Moïse de sept grands fléaux, dits les sept plaies d'Egypte ; Salomon employa sept années à la construction du Temple ; Saint-Paul dit que le juste pêche sept fois par jour ; les catholiques ont sept péchés capitaux, sept sacrements, sept psaumes de la pénitence ; il y a sept jours dans le semaine. Lors de la création, Dieu ne se reposa que le septième jour. Adam et Eve furent sept heures dans le Paradis. Jésus-Christ fut sept ans fugitifs en Egypte ; il prononça sept paroles sur la Croix. Il y a sept vierges chrétiennes, d'après les actes des martyrs. La maçonnerie compte sept sciences libérales : la Grammaire, la Rhétoriques, la Logique, l’Arithmétique, la Géométrie, la Musique, l’Astronomie. Elle a, au rite français, sept grades, etc., etc., etc.


Conclusion

La science des nombres était jadis essentiellement emblématique et superstitieuse.

Aujourd'hui et déjà depuis longtemps, les progrès de la raison ne permettent plus de considérer l’utilité des nombres que dans une partie des sciences. Hors ces cas, elle n'est plus que l'amusement de l'esprit, une curiosité qui plaît à quelques personnes, et, sous ce double rapport, son influence morale a heureusement cessé.