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1841 - "Cours philosophique et interprétatif des initiations anciennes et modernes" par Jean-Marie Ragon (1 - Grade de Maître)


HIRAM DANS...

Cours philosophique et interprétatif des initiations anciennes et modernes


Par Jean Marie Ragon

Paris, Berlandier Editeur, 1841


GRADE DE MAÎTRE.


MES FRÈRES,

Un grand crime commis, une cérémonie funèbre, la commémoration de la mort d'un personnage illustre, tels sont les faits que présente la légende du troisième grade symbolique. Si ce mot symbolique ne nous rappelait pas que, dans ce grade comme dans les précédents, tout est emblématique, l'observation seule de ses cérémonies suffirait pour nous en convaincre.

En effet, que présente-t-il à notre esprit? La mort d'un chef de travaux, assassiné par trois ouvriers perfides, et emportant avec lui le secret de la Maçonnerie; l'édification magnifique d'un monument chez un peuple que ses malheurs et ses proscriptions ont rendu célèbre. Tous ces événements si ordinaires sont donc dignes d'occuper tant d'hommes éclairés chez tous les peuples et pendant tant de siècles ? Quel intérêt peuvent-ils présenter à notre esprit? Aucun, s'ils sont pris à la lettre. Eh quoi ! après trois mille ans qui se sont écoulés depuis Salomon, la France, l'Europe, le monde entier célébrerait encore, avec des marques de douleur, la mort d'un architecte, tandis que tant de sages, tant de philosophes ont perdu la vie, sans qu'on en conserve le souvenir autrement que dans l'histoire? Mais cet Hiram soi-même est-il un autre Socrate, un de ces bienfaiteurs du genre humain dont le nom rappelle les vertus éminentes ou les services les plus signalés. J'ouvre les annales des nations, et ne trouve pas même son nom; aucun historien n'en a gardé le souvenir. L'historien sacré, le seul qui l'ait nommé, ajoute à peine à son nom l'épithète de parfait ouvrier; et, dans les débats minutieux de tout ce qui accompagne et suit la construction du temple, il n'en est nullement fait mention, pas même de sa mort tragique, événement que n'eût point omis l'écrivain scrupuleux.

A défaut de l'Écriture, la mémoire des hommes a sans doute conservé cet événement, dont le souvenir s'est perpétué dans les familles ? Non ; la tradition est encore en défaut ici, et rien ne rappelle qu'Hiram soit tombé sous les coups d'assassins, ainsi que le rapporte la tradition maçonnique; d'où nous devons conclure que cette mort n'est qu'une allégorie, dont il nous sera facile de trouver la clé.

Gardons-nous ici de nous abandonner aux hypothèses, ainsi que tant d'autres l'ont fait ; d'appliquer cette commémoration funèbre à tous les événements qui rappelleront un grand crime religieux, politique ou privé, et de couvrir du nom et des emblèmes d'Hiram toutes les victimes de la tyrannie, du fanatisme ou de la cupidité.

Depuis bien des siècles, et partout encore, des Maçons célèbrent à l'envi la mort d'Hiram. Cet événement intéresse donc le monde entier, et non pas seulement une nation, une secte, un ordre, une coterie; il n'appartient à aucun temps, à aucun culte, à aucun peuple en particulier; il ne nous rappelle ni la mort de Jésus , considéré comme victime de la haine sacerdotale; ni Socrate, proscrit par le fanatisme et l'intolérance; ni le chef respectable d'un ordre illustre, livré au supplice le plus affreux par le despotisme politique le plus inouï; il ne commémore ni les proscriptions des premiers chrétiens, ni celles des Israélites chez les diverses nations européennes, ni celles plus récentes et plus affreuses qui, sous les derniers Valois, inondèrent l'Europe du sang de ses enfants, allumèrent les bûchers de Jean Hus et ceux de l'inquisition, et firent tomber l'élite de la noblesse française sous le poignard des Médicis.

La raison suffit pour nous convaincre qu'il ne s'explique ni par les chimères astrologiques, ni par les folies de l'alchimie; ces objections sont autant de vérités qui résultent de la seule réflexion; mais quelle est donc celte victime illustre, quel est son assassin ? C'est ce qu'il convient de chercher.

La méditation et l'étude des initiations antiques nous ont déjà conduit à la découverte de plusieurs vérités, à l'interprétation de plusieurs des emblèmes maçonniques, inintelligibles sans ce secours; suivons encore la même marche, et que cette étude soit pour nous le fil d'Ariane, qui nous aidera à sortir du dédale ténébreux des hiéroglyphes.

Dans les deux dernières séances de ce Cours, j'ai démontré l'analogie qui existe entre les deux premiers grades de la Maçonnerie moderne, et les premiers pas de l'initiation égyptienne, de celle de la Grèce , de celle de Mithra, de celle même des premiers chrétiens. J'ai fait voir, dans l'apprenti, l'aspirant de Thèbes et d'Eleusis, le soldat de Mithra, le catéchumène.

Dans le compagnon, le miste, l'initié du second ordre, le lion des mystères d'Orient, le néophyte chrétien. Prouvons maintenant que le Maître, malgré ses formes hébraïques, n'est autre que l'Epopte, le voyant, l'initié de tous les temps et à tous les mystères.

Considérons d'abord l’Orient, berceau de toutes les religions, de toutes les allégories ; voyons-le dans ces temps reculés, où les mystères ont commencé. Partout on reconnaît, sous des noms différents, la même idée reproduite; partout un dieu, un être supérieur, ou un homme extraordinaire subit le trépas, pour recommencer bientôt après une vie glorieuse, partout le souvenir d'un grand et funeste événement, d'un crime ou d'une transgression, plonge les peuples dans le deuil et la douleur, auxquels succède aussitôt l'allégresse la plus vive.

Ici, c'est Osiris succombant sous les coups de Typhon; ailleurs, Athys ou Mithra ; en Perse, Oromaze cédant pour quelques instants au noir et farouche Arhimane; en Phénicie, c'est Adonis, frappé par un sanglier, et ressuscitant peu après. Je ne finirais pas, si je voulais rappeler ici toutes les morts qui sont devenues, pour les peuples, des sujets de fêtes funèbres, et dont les légendes différentes se rattachent néanmoins aux mêmes principes que celles d'Hiram.

La liste quoique incomplète que nous donnons ici prouve que le grade de Maître appartient à la théogonie de tous les peuples :

Osiris est tué par Typhon, qui lui dresse des embûches ;
Sommonacodon, par un cochon;
Adonis, par un sanglier jaloux ;
Etion, par des bêtes féroces;
Orsmud est vaincu par Arhimane ;
Néhémie, par Armilius, vaincu lui-même par le second Messie;
Abel est assassiné par Caïn ;
Balder, par Hother, l'aveugle ;
Allyrotius est tué par Mars;
Sousarman, par Soudra ;
Bacchus, mis en pièces par les Géants;
Les Assyriens pleurent la mort de Thammus ;
Les Scythes, les Phéniciens, celle d'Acmon;
Toute la nature, celle du grand Pan;
Zohak est vaincu par Phéridoun ;
Soura-Parama, par Soupra-Munie ;
Moïa Sour, par Dourga ;
Pra-Souane, par Sommonacodon, contre lequel se révolte son frère
Thevatath ;
Uranus est mutilé et détrôné par Saturne, que Jupiter détrône ensuite ;
Agdestis, Atys se mutilèrent eux-mêmes;
Chib meurt en fécondant sa femme ;
Jahud est immolé par Saturne, son père ;
Indra, Thévatha, Jésus expirent sur la croix ;
Les Turcs célèbrent la fin tragique et pourtant nécessaire d'Hossein ;
Les Manichéens, celle de Manès, etc.

La croyance au dogme des deux principes a donné naissance à ces fictions ; elles prévalent surtout chez les Perses. Ce dogme était l'opinion favorite de Plutarque, moins comme initié que comme philosophe. Cependant, Plutarque, initié, et n'osant pas révéler le grand secret des mystères, mais, à l'exemple de Philoctète, sachant, heureusement pour nous, éluder son serment, met suffisamment sur la voie l'initié moderne , et donne à la fable de l'initiation une interprétation morale et religieuse, conservée dans cette maxime : Elevez des temples à la vertu , et construisez des cachots pour les vices. Ce dogme prévient celui qui se livre à ses méditations qu'il doit éviter deux écueils, dans lesquels beaucoup d'hommes sont tombés : les uns, s'écartant de la véritable voie, ont donné dans la superstition ; et les autres, croyant fuir la superstition, se sont livrés à l'impiété, et, ajoutent-ils , à l'athéisme.

En Egypte, après s'être rendu, par son courage, ses vertus et son instruction , digne de la faveur des dieux, le candidat était enfin admis à l'initiation. Le voile qui lui cachait la statue magnifique d'Isis était écarté, et la déesse paraissait à sa vue, non telle qu'aux yeux du vulgaire , entourée d'emblèmes et d'hiéroglyphes inexplicables , mais nue, c'est-à-dire qu'en recevant l'initiation, l'adepte participait à l'interprétation secrète des mystères, interprétation que recevaient les seuls initiés. Pour eux, Isis n'est plus cette déesse, sœur et femme à'Osiris, que le vulgaire adore sous tant de formes et avec tant d'attributs différents; c'est la nature, dans toutes ses époques, que caractérisent ses symboles. Osiris est l'astre du jour, ou le principe de la lumière et de la chaleur ; après avoir parcouru l'univers, il meurt par la trahison de Typhon ; si ce crime est commis sous le signe du Scorpion, si ses membres épars sont réunis par les soins de son épouse , s'il ressuscite enfin , c'est que le soleil , après avoir parcouru sa route céleste , semble, vers la fin de l'année, succomber et mourir, pour renaître bientôt après, plus brillant et plus beau. Ainsi, toute l'histoire de ce dieu, que le peuple adorait, le front courbé dans la poussière , n'était pour l'initié qu'un thème céleste. h'Adonis phénicien présente les mêmes emblèmes, sous des aventures peu différentes. Consultons et interprétons sa légende. Adon, racine de ce mot, signifie dieu , seigneur; le pluriel Adonaï signifie, dans l'hébreu, les dieux. Adonis était l'amant chéri de Vénus. Cette fable symbolise le soleil fécondant la nature pendant le printemps et l'été. Après cette époque, cet astre perd, sur notre hémisphère, ses facultés productives. Voilà pourquoi , dans l'automne, Adonis allant à la chasse, est terrassé par un sanglier (symbole de l'hiver), qui le mutile et le prive de ses facultés génératrices. Avant d'être rendu à Vénus, qui déplore sa perte, ce dieu, dont la mutilation et la mort ne sont qu'une fiction, doit passer les six autres mois de l'année avec la Vénus (ou la nature) de l'hémisphère inférieur, cette femme des constellations, placée sur les sphères, devant le serpent, prœ serpens, d'où vient le nom de Proserpine. Voilà donc le soleil du printemps on de l'été, mourant en automne, pour revenir au printemps suivant.

Les histoires d'Athys , de Mithra; la descente de Chrisna aux enfers, dans l'Inde ; la lutte d'Orsmud et d’Ahrimane, celle de Christ et de Satan, ne sont également, comme la première, que l'emblème de la lutte perpétuelle de la lumière et des ténèbres, de la révolution annuelle du soleil.

Mais quel rapport peuvent avoir ces diverses fables astronomiques avec l'histoire de l'architecte du temple de Salomon, de ce monument magnifique élevé par le plus sage des rois au grand architecte des mondes ? Il n'existe aucun monument authentique du meurtre d'Hiram; l'Ecriture n'en dit rien ; c'est une histoire toute controuvée, qui, fût-elle certaine, ne serait, pour nous et pour toutes les nations pour qui ce crime est étranger, d'aucun intérêt.

Mais reprenons l'histoire d'Hiram, telle qu'elle est mentionnée dans les fastes maçonniques.

Ce respectable maître, en visitant un soir les travaux, est assailli par trois compagnons infidèles, qui l'assassinent , sans pouvoir lui arracher le mot de maître, ce mot ineffable, cette parole innommable , que le grand-prêtre prononçait seulement une fois dans l'année.

Observons bien que c'est aux portes d'occident, du midi et d'orient que sont placés les assassins, c'est-à-dire aux points qu'éclaire le soleil, qui ne va jamais au nord dans l'hémisphère boréal. Les scélérats cachent ensuite ce corps dans la terre, et en marquent la place par une branche d'acacia. Remarquons ici deux objets importants.

Le premier, que douze personnages jouent un grand rôle dans cette histoire, de même que dans toutes celles qui ont le soleil pour objet ; savoir : les trois assassins compagnons, c'est-à-dire ouvriers inférieurs, et neuf maîtres, ou neuf ouvriers supérieurs. Ce nombre douze répond évidemment aux signes que parcourt l'astre du jour; les trois compagnons sont les signes inférieurs, les signes d'hiver, ceux qui donnent la mort à Hiram, savoir : la Balance, le Scorpion et le Sagittaire , qui, vers le milieu de l'automne, occupent ces trois points du ciel, en sorte que le premier se trouve vers le déclin ou à l'occident, le second à son ascension droite au midi, et le dernier commence à paraître au levant, ce qui est figuré par la porte d'orient, où Hiram meurt, comme le soleil meurt dans le Sagittaire, et renaît immédiatement ou recommence une année nouvelle dans le Capricorne.

Si les trois autres signes inférieurs sont représentés par des maîtres, c'est que le soleil commence alors à remonter. Ce sont eux qui relèvent le corps du Respectable Maître, et à ce titre ils ont des droits à être élus. De là, ces paroles du très Respectable aux deux surveillants : « Ne savez-vous pas que vous ne pouvez rien sans moi, et que nous pouvons tout ensemble ? »

Nous voyons de même, dans les fables hébraïques, douze patriarches et un seul temple pour douze tribus; chez les chrétiens, douze apôtres ou compagnons de Christ, dont il est à remarquer que trois manquent aussi à leurs devoirs : le premier, en le livrant à ses ennemis; un autre, en le reniant trois fois; le dernier, en doutant de sa résurrection. Celui qui le livre reçoit trente pièces de monnaie, nombre des jours qui composent un mois; il les rejette dans le temple de Jérusalem, symbole de l'univers, où les jours et les mois disparaissent. - Chez les Egyptiens, chez les Grecs et les Romains, nous voyons également douze grands dieux. Les autels de Janus sont au nombre de douze, de même que les travaux d'Hercule. Il me serait facile de pousser plus loin ces analogies.

Enfin, c'est une branche d'acacia qui fait retrouver la victime et décèle les coupables. Or, il est digne de remarque que, dans toutes les fables antiques, un arbre joue un rôle important dans les allégories solajres. Ici, c'est l'arbre de la science du bien et du mal, emblème du passage des ténèbres à la lumière, ou de l'hiver à l'été. Arrêtons-nous un instant à cette allégorie, dont les jeunes Maîtres ne se sont peut-être pas encore rendu compte : cet arbre représente l'année ; la connaissance du bien est ce bonheur dont on jouit dans les saisons agréables et productives du printemps et de l'été, règne du bien. La science du mal est la funeste connaissance que l'on fait des rigueurs et des privations de l'hiver, règne du mal. On peut donc dire métaphoriquement que l'homme initié à cette science connaît le bien et le mal, connaît l'année ; et si, par des études profondes, il pouvait apprécier et savoir tout ce que la nature prépare et accomplit dans une révolution annuelle, il connaîtrait Dieu.

Il est certain qu’Adam, qui signifie la nature humaine, et fut créé mâle et femelle, mais qui, ensuite, ne représente plus que le premier homme, et sa compagne Eve, qui signifie la vie, ayant tous deux passé, dans l'Eden, le printemps et l'été, ont nécessairement goûté, de l'arbre allégorique , le fruit produit pendant le règne du bien ; puis, le serpent vient indiquer sur la sphère céleste que le règne du mal va commencer. La science allégorique, qui s'insinue partout, a fait que malum, qui veut dire le mal, signifie aussi pomme, production de l'automne, qui annonce que les récoltes sont faites, que le laboureur doit, à la sueur de son front, recultiver et réensemencer la terre. Le froid arrive ; il doit se couvrir, non avec la feuille allégorique du figuier, mais autrement.

La sphère tourne ; on voit l'homme des constellations (le Bootès ), précédé de la femme, ayant à la main le rameau de l'automne chargé de fruits ; elle semble seducere, conduire avec elle, ou, allégoriquement, entraîner, séduire l'homme. Telle est l'allégorie des deux premiers humains , chassés du paradis , et celle de l'arbre de la science du bien et du mal.

Ailleurs, c'est le lotus égyptien, l’amandier d'Athys, le myrte de Vénus, le gui druidique, le rameau d'or de Virgile, le buis du dimanche des Rameaux, le jonc ou le roseau des pèlerins ; dans la fable maçonnique, c'est l’acacia ou le tamaris, sous lequel vint échouer le coffre qui renfermait le corps d'Osiris. Cet arbre, dépouillé de feuilles au solstice d'hiver, a été choisi par les révélateurs, pour mieux indiquer que la fable d'Hiram était un voile qui ne devait pas être pris à la lettre. Mais les anciens, regardant l'acacia comme incorruptible, on a, pour couvrir le corps du dieu-victime, substitué ses branches (symbole d'éternité) au myrte, au genêt, au laurier, toujours verts , qui, à cette époque de l'hiver, figurent dans les anciennes théogonies. Pour annoncer qu'à ce triomphe des ténèbres et de mort apparente, doit bientôt succéder une vie nouvelle ou une prochaine révolution solaire, les auteurs du zodiaque n'ont-ils pas placé une couronne verte entre les jambes du Sagittaire, signe dans lequel est le soleil au solstice d'hiver, et d'où il doit sortir triomphant ?

Ainsi, le premier grade, entièrement consacré, chez les anciens, aux épreuves physiques, était spécialement l'emblème du commencement de l'année, ou du printemps, pendant lequel le soleil croît, acquiert des forces, et passe la ligne qui sépare les signes inférieurs des supérieurs. Ce grade était encore, au moral, l'emblème de l'enfance ou du printemps de la vie, figurée par la pierre brute, susceptible de recevoir toutes les formes, sous les mains d'un artiste habile ; ce qui rappelle les avantages d'une bonne éducation ; car, ainsi que j'ai eu l'occasion de le faire remarquer, les allégories anciennes avaient été si sagement méditées, qu'elles étaient applicables, sous quelque point de vue qu'on les considérât, à l'instruction et au bonheur de l'humanité.

Le compagnonnage est l'emblème de la jeunesse, de cet âge où l'homme, après avoir soumis les passions qui l'entraînent dans l'âge précédent, se fortifie par l'étude des sciences, des lettres, de la philosophie; cultive sa raison, apprend à se connaître , et se forme , en quelque sorte, une existence nouvelle consacrée aux vertus et à la sagesse. Il symbolise l'été, cette saison où l'astre du jour, ayant acquis toute sa force, embrase l'univers de ses rayons bienfaisants, et mûrit, par son active chaleur, les fruits dont la nature a couvert la terre fécondée. La pierre cubique qui caractérise ce grade figure l'homme instruit et policé, vivant pour la société, et dont le premier devoir doit être d'en conserver les formes, emblèmes de la solidité et de la droiture.

La maîtrise, enfin, figure l'automne , cette dernière saison où le soleil termine sa course, et, comme le Phénix , dont il a été le type, meurt pour renaître de ses cendres. Elle figure l'âge mûr, cette époque de la vie où l'homme recueille les fruits de ses travaux et de ses études. Son emblème est la planche sur laquelle sont tracés les plans, c'est-à-dire les leçons de la morale et de l'expérience, les devoirs des compagnons et ceux des apprentis.

Ne soyez point étonné, mon frère, si toute la Maçonnerie, en se reportant aux saisons et aux époques de la vie, est entièrement renfermée en trois grades. Ce nombre indique, ainsi que nous l'avons déjà vu, l'origine orientale de ces allégories. Nées dans le Nord ou dans l'Occident, à Rome ou même dans la Grèce, elles eussent présenté l'emblème de quatre saisons, auxquelles on aurait fait rapporter quatre époques de la vie.

Les religions antiques, et celles des Egyptiens surtout, étaient pleines de mystères. Une foule d'images et de symboles en composaient le tissu ; admirable tissu ! ouvrage sacré d'une suite non interrompue d'hommes sages, qui lisaient dans le livre de la nature, et traduisaient en langage humain ce langage ineffable.

Ceux qui, d'un regard stupide, voyaient, sans les comprendre, ces images, ces symboles, ces allégories sublimes, croupissaient, il est vrai, dans l'ignorance comme bien des Maçons de nos jours ; mais leur ignorance était volontaire. Dès le moment qu'ils en voulaient sortir, tous les sanctuaires leur étaient ouverts, et s'ils avaient la constance et la vertu nécessaire, rien ne les empêchait de marcher de connaissance en connaissance, de révélation en révélation, jusqu'aux plus sublimes découvertes. Ils pouvaient, vivants et humains, et suivant la force de leur volonté, descendre chez les morts, s'élever jusqu'aux dieux, et tout pénétrer dans la nature élémentaire ; car la troisième initiation, ou grade de maître, était la connaissance approfondie des religions , et les religions alors embrassaient toutes ces choses ; mais l'initié qui voulait pénétrer dans les secrets mystérieux du sacerdoce, n'arrivait à ce point culminant de la doctrine sacrée qu'après avoir parcouru tous les grades inférieurs, après avoir alternativement épuisé la dose de science dévolue à chaque grade, et s'être montré digne d'arriver au plus élevé.

Le roi d'Egypte seul était initié de droit, et, par une suite inévitable de son éducation, admis aux plus secrets mystères. Les prêtres avaient l'instruction de leur ordre, ils augmentaient de science en s'élevant en grade, et savaient tous que leurs supérieurs étaient non seulement plus élevés, mais plus éclairés qu'eux, en sorte que la hiérarchie sacerdotale, telle qu'une pyramide assise sur sa base, s'éclairait en s'élevant, et dans son organisation théocratique, offrait toujours la science alliée an pouvoir. Quant au peuple, il était, à son gré, ce qu'il voulait être.

La science, offerte à tous les Egyptiens, n'était commandée à personne. Les dogmes de la morale, les lois de la politique, le frein de l'opinion, le joug des institutions civiles, étaient les mêmes pour tous ; mais l'instruction religieuse différait suivant la capacité, la vertu, la volonté de chaque individu. On ne prodiguait pus les mystères comme aujourd'hui on prodigue la Maçonnerie, parce que les mystères étaient quelque chose. On ne profanait pas la connaissance de la Divinité, parce que cette connaissance existait, et, pour conserver la vérité à plusieurs, on ne la donnait pas vainement à tous.

Heureuse sagesse , qui, pour avoir été méconnue des Maçons modernes, ôte à la Maçonnerie ses plus belles prérogatives ; depuis surtout que son sanctuaire est ouvert indistinctement à qui peut en payer l'entrée.

Avant que la Franc-maçonnerie, dans nos siècles modernes, quittât ses limites naturelles, le grade de Maître conservait encore quelques vestiges de son ancien éclat; un Maçon pouvait, à travers différents emblèmes qui l'environnaient, reconnaître le caractère, le but et l'origine de cet antique monument de la sagesse humaine.

L'origine des anciennes fables mythologiques se perd dans la nuit des temps; mais ce qu'il y a de remarquable dans la manière dont elles sont traitées, c'est que, malgré le nombre considérable de ces poëmes, et malgré la différence des époques et des lieux qui les ont vus naître, on retrouve, dans chacun des sujets diversement traités, la même invention, comme le même esprit.

Les auteurs de ces ouvrages ont donc puisé à la même source, puisque, sans se connaître et sans s'entendre, ils se sont réellement entendus, et qu'ils ont tenu les mêmes discours et parlé le même langage ? C'est donc une seule et même règle qui les a guidés dans leur travail? C'est ainsi que les Maçons, placés sur des points différents de ce vaste univers, communiquent ensemble et coopèrent, d'un accord commun, à la prospérité générale de l'ordre, et au bien de chaque membre en particulier.

Dans les poëmes antiques, consacrés par les prêtres à l'usage des religions, on voit généralement, sous des formes différentes, la lumière en opposition avec les ténèbres ; l'orient et l'occident, le bon et le mauvais génie, se faisant la guerre. La nativité du héros ou du personnage mis en scène, y est célébrée ou fêtée solennellement. Sa fin tragique est scrupuleusement détaillée ; il est pleuré et on creuse son tombeau.

C'est donc la nature qu'il faut étudier, si l'on veut entrer dans le sanctuaire des initiations, et si on veut lever le voile qui depuis long-temps couvre les mystères sacrés des anciens, comme ceux de la Maçonnerie.

La marche du compagnon s'arrête au solstice d'été. L'astre du jour va quitter insensiblement notre hémisphère; il semble rétrograder : voilà pourquoi l'on fait voyager à reculons le récipiendaire. Le Temple était presque achevé, c'est-à-dire qu'alors toutes les plantes ont produit, et qu'il ne s'agit plus que d'attendre la maturité.

Le grade de Maître va donc nous retracer allégoriquement la mort du dieu-lumière, soit que l'on ne considère ce dieu que comme le soleil physique, mourant en hiver pour reparaître et ressusciter au printemps, à Pâques, c'est-à-dire à son passage dans le signe du Bélier ou de l’agneau réparateur, et rendre la vie à la nature; soit que, comme le philosophe, on ne voie qu'une commémoration figurée ; une peinture emblématique du chaos, du sein duquel jaillit la lumière éternelle; ou bien, ce qui revient au même, de la putréfaction exprimée par le mot MACB., mort apparente des corps, mais source inépuisable de vie , par laquelle le germe, au printemps, reçoit son développement.

L'édification d'un temple au Seigneur était, comme chacun le sait, la légende allégorique que les restituteurs de la Franc-maçonnerie ont substitué à celle qui faisait la base des anciens mystères ; une suite naturelle de ce choix a dû être de faire d'Hiram, qui, en hébreu, s'écrit Chiram dans le livre des Rois, et Chouram dans celui des Paralipomènes, et qui signifie , dans le premier cas, vie élevée, et, dans le second, candide, blanc, expressions qui conviennent toutes au soleil, personnage principal de la légende maçonnique.

Cet Hiram, surnommé métaphoriquement l'architecte du temple de Salomon, est l'emblème du Grand Architecte de l'Univers,comme l'hiérophante représentait Phta, Osiris, Jacchus, ou la divinité quelconque, au culte de laquelle il était consacré. Aussi, quoique nommé dans la Bible, Hiram ne doit-il être considéré, dans la Maçonnerie , que comme un personnage allégorique ; et cette assertion est si vraie que, dans les grades supérieurs, sa légende a disparu , et qu'il n'est plus question de lui.

D'ailleurs les prêtres égyptiens ne communiquant les hauts mystères qu'à ceux de leur nation qui consacraient leur vie au sacerdoce, on a dû prendre le complément de la Maçonnerie , ou le voile du grade de Maître, dans les cérémonies d'un culte qui pouvait avoir quelque ressemblance avec celui des Egyptiens. On a donc tiré de la religion juive le complément des mystères de la Franc-maçonnerie , et la légende de Moïse affirme qu'il passa en Egypte pour s'instruire de toutes les sciences.

Dévoilons donc les mystères de la mort A'Hiram , et nous verrons, dans son tombeau , celui du ciel sous le nom à'Osiris.

Les trois compagnons perfides trahissant leur maître, comme fit Typhon à l'égard à'Osiris, et jaloux de la gloire d'Hiram, qu'ils assassinent, ne sont qu'un symbole du mauvais principe que l'on a figuré, dans toutes les fables anciennes, comme un prince jaloux, ravisseur de la puissance de son chef qu'il poursuit sans cesse et parvient à tuer.

C'est ici le lieu de remarquer l'effet perpétuel des sens équivoques de la plupart des mots dans les traductions ; nous citerons, pour exemple, les deux mois tuer et ressusciter, et nous verrons que nous ne devons les considérer qu'allégoriquement, et ne pas les prendre à la lettre: tuer est traduit du mot latin occidere, d'où nous avons fait occident,-et ce mot si usuel ne représente à notre esprit ni meurtre, ni assassinat, ni rien de révoltant, parce que l'occident, en style allégorique, est l'être, le temps, ou le point du monde qui tue, parce qu'il fait disparaître le soleil, et alternativement tous les astres ; de même , par une métamorphose hardie, nous trouvons le mot resurgere, traduit par le mot ressusciter, quoique ce verbe latin n'ait jamais signifié revenir à la vie, mais bien se lever une seconde fois, se lever de nouveau, ce qui convient parfaitement au soleil.

Les noms des trois meurtriers d'Hiram varient beaucoup dans les différents rites, et suivant les diverses applications que l'on a faites de la Maçonnerie :

Ce sont Abhiram, Romvel, Gravelot ou Hobbhen dans les grades allemands, Schterkè (force), Austerfuth (hors la porte), ou dans l'Ecossisme, Giblon, Giblas, Giblos; ou bien Jubela, Jubelo, Jubelum , etc.

Un Templier y voit Squin de Florian, Noffodei et l'inconnu sur les dépositions desquels Philippe-le-Bel accusa l'ordre devant le pape; il y voit encore Philippe-le-Bel, Clément V et Noffodéi (qu'il appelle les trois abominables.)

Le Maçon couronné y croit voir les trois auteurs de la mort de Christ : Judas, Caïphe et Pilate.

Le philosophe y découvre le mensonge, l'ignorance et l'ambition, ligués contre la vérité. En voici l'interprétation morale tirée du 29* grade prétendu écossais, le chevalier du soleil, et rapportée dans le n° 44 de l'Abeille Maçonnique :

« Les trois compagnons scélérats (le mensonge, l'ignorance et l'ambition) viennent de frapper Hiram (la vérité,ministre de Salomon), Hiram, « l'architecte du Temple qui devait réunir tous les hommes au pied du « même autel (la Maçonnerie). La Sagesse divine (Salomon) arme les ena fants de la vérité contre le mensonge, l'ignorance et l'ambition ; elle les « ceint d'une écharpe noire, emblème de deuil, et leur conûo une arme « qui ne saurait être qu'un symbole de la raison, de la science, de la dou« ceur et du bon exemple qui seuls peuvent éclairer et convaincre. Les « enfants de la vérité combattent; ils sont vainqueurs. »

Il est dit, dans la narration de ce grade, qu'Hiram se présente à la porte d'occident pour sortir du temple , et vous prévoyez, mon frère, que sa sortie est impossible, car le soleil ne peut pas sortir de notre univers ou du temple de la nature. La marche d’Hiram, pour se soustraire aux coups des assassins , est précisément ce que fait le soleil, soit le premier jour du printemps, si l'on suppose cet astre prenant son domicile dans le signe du Bélier, soit le dernier jour de son triomphe au solstice d'été ou enfin la veille de sa mort qui a lieu dans la Balance , et où il descend à l'horizon par la porte d'occident ; si alors on se reporte sur la sphère, et que l'on examine la position que le Bélier prend à l'orient, on voit près de lui le grand Orion , le bras levé tenant une massue, dans l'attitude de frapper; au nord, on voit Persée, une arme à la main , et dans l'attitude d'un homme prêt à faire un mauvais coup. Dès cet instant, son inclinaison vers l'hémisphère austral paraît si prompte qu'elle ressemble à une chute -, le voilà donc précipité dans le tombeau; reparaîtra-t-il, sera-t-il rendu à nos vœux ? C'est cette inquiétude qui a dû saisir les premiers hommes; on la figure par les recherches que l'on fait du corps d'Hiram. Ainsi son assassinat, pris dans le style figuré ou allégorique, est, comme la passion à'Osiris, Adonis, d'Athys ou de Mithra, un fait de l'imagination des prêtres astronomes, qui avaient pour but la peinture de l'absence du soleil sur la terre, afin de désigner par cette circonstance le triomphe du mauvais principe ou des ténèbres sur la lumière , ou sur le bon principe. Les initiés qui célèbrent ce mystère, ont donc raison de s'habiller de noir, et de décorer le temple de voiles funèbres.

Le roman céleste que l'on présente sur Hiram est complet ; car la sphère fait voir les neuf maîtres qui vont à la recherche de son corps ; en effet, si l'on porte les regards à l'occident de l'horizon , lorsque le soleil se couche dans le signe du Bélier, on distinguera, autour de cette constellation : Persée, Phaéton et Orion, entourant ainsi les constellations qui décorent le ciel dans cette position, et on remarquera au nord : Cephée, Hercule et le Booiès, et à l'orient paraîtront : le Centaure, le Serpentaire et le Scorpion ; tous marchent avec lui et le suivent pas à pas, jusqu'à l'instant de sa nouvelle apparition à l'orient.

Les six jours qui s'écoulèrent entre la mort d'Hiram et la découverte de son corps, sont encore une suite du
même thème céleste ; car ces six jours sont l'image des six : mois que le soleil passe dans les signes inférieurs avant de reparaître à l'orient, dans le signe du Bélier ou de l'agneau réparateur. Et la découverte du cadavre d'Hiram, qui se fait le septième jour, est un symbole de la résurrection du soleil, qui effectivement s'opère le septième mois après son passage dans les signes inférieurs, passage que sa disparition a fait considérer comme sa mort ou comme sa descente aux enfers (loci inferi, lieux inférieurs).

Quand le soleil hivernal paraît, en décembre , quitter nos climats pour aller régner sur l'hémisphère inférieur, et qu'il semble, pour nous, descendre dans le tombeau, la Nature, alors, est comme veuve de son époux, de celui dont elle tient, chaque année, sa joie et sa fécondité. Ses enfants se désolent ; c'est donc à juste titre que les Maçons, élèves de la nature, qui, dans le grade de maître, retracent cette belle allégorie, se nomment les enfants de la veuve (ou de la nature), comme, à la réapparition du dieu, ils deviennent les enfants de la lumière.

Un signe important que l'on reçoit dans ce grade se nomme signe de secours. Il se fait en disant : A moi les enfants de la VEUVE. Il rappelle l'esprit de paix que les anciennes divinités Gérés, Isis et autres répandaient sur leurs initiés pour lesquels ces noms étaient entre eux une égide. Dans maints périls et souvent à la guerre, ce signe a, dans les derniers siècles, prévenu ou allégé bien des malheurs. Le souvenir de la veuve sauvera longtemps encore la vie à ses enfants.

La nature nous a destinés à naître et à mourir au sein de l'amitié. Le besoin de secours et d'appui qu'exigent les premiers et derniers jours de notre vie en est la preuve, et c'est à payer les secours déjà reçus et à mériter ceux dont on aura besoin que doit être consacré cet âge de la vie qui en sépare les deux extrémités, et dont la dernière est symbolisée dans ce grade de manière à nous préparer utilement à ce long jour qu'aucune nuit ne termine.

Tout ce qui rappelle le trépas est empreint de grandeur. Les parois de ce temple ont aujourd'hui revêtu leurs vêtements funèbres ; les signes de la fragilité humaine ont entouré le sarcophage où vous avez un moment figuré ; des lueurs sépulcrales ajoutaient à l'horreur des ténèbres; des sons plaintifs, s'emparant des facultés de votre âme, ont dû la disposer au recueillement, à la mélancolie, à la méditation, et faire naître en vous des réflexions profondes; car approcher de la mort, c'est toucher à la vérité.

La mort est la condition pour laquelle nous sommes nés; la craindre serait une folie, parce qu'on ne doit craindre que les événements incertains. Il est des circonstances où il faut savoir la mépriser.

Ce n'est pas la mort qu'on redoute, c'est la perte de la vie qu'on regrette, parce qu'elle est un bien certain et dont nous sommes en possession. Si l'on meurt jeune, il paraît dur d'être arraché à ce qu'on n'a connu encore que pour le désirer. Cependant les années ne font point le bonheur, c'est l'usage qu'on en fait, et la manière dont on les termine ; car une belle mort jette un éclat immortel sur tout le cours de la vie , comme une mort infâme la déshonore à jamais ; ce dernier jour, dit l'auteur de la sagesse, est le juge de tous les autres jours.

Frère nouvellement admis, la mort, il est vrai, est le but où tendent tous les êtres; mais dans l'économie de l'univers, la vie même sort du sein du trépas. Dans le cours de votre réception, vous avez vu que le bon principe peut succomber; mais vous avez appris aussi que le mauvais principe n'est point invincible. Ayez toujours dans l'esprit cette vérité, et appliquez-la constamment à vos pensées et à vos actions. Remarquez surtout que ce qui vous est arrivé est une démonstration physique de la résurrection des corps. Cette renaissance a eu lieu pour vous donner cette grande leçon morale que toujours la victime triomphe.

Mon frère, vous entendrez souvent, dans les discours de nos orateurs, donner un synonyme au mot maçonnerie, parce qu'avant son emploi, on disait l’art royal. Quelques auteurs ont rapporté l'origine de cette expression technique au zèle que montra, pour l'initiation, le roi Salomon. On aurait pu dire également art impérial ou auguste, quand Marc-Aurèle s'y fit admettre.

L'origine donnée par le frère Dumast est curieuse et plus vraie : « D'aussi loin que l'homme a commencé à réfléchir sur lui-même, il a vu que, dans certaines circonstances, connaissant et approuvant le bien, il faisait pourtant le mal. Le video meliora proboque, deteriora sequor a dû lui prouver que la puissance des désirs était plus forte que celle de la raison ; il ne jouissait qu'en apparence, et non réellement, de son libre arbitre; qu'il fallait, par l'habitude de la résistance, comprimer le ressort de ses passions avant d'acquérir la liberté effective de choisir et de se déterminer dans toutes les actions de la vie. Dès lors, la première idée qu'a fait naître l'aspect d'un sage, a été celle d'un homme libre et maître de lui-même; et toute institution qui tendait à faire des sages est devenue un art de liberté et de royauté.

«La plus belle de toutes les victoires est celle qu'on remporte sur soi-même : celui dont le cœur est esclave servirait jusque sur le trône ; celui dont le cœur est libre reste libre jusque dans les fers. » Toutes ces maximes, ou leur germe se retrouvent dès les plus anciens temps de l'histoire. »


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